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Déficit de contrôle moteur comme sous-groupe dans les lombalgies non-spécifiques

  • asso-harps
  • 31 mars 2015
  • 8 min de lecture

Résumé de l’intervention du samedi 7 février 2015 (JFK) du Professeur Luomajoki.

On estime que 5 à 10% des lombalgies traitées au cabinet seraient spécifiques, c’est à dire accompagnées de conditions précises et diagnostiquées (fractures, tumeurs, anomalies, atteinte de la racine nerveuse, sténose canalaire). Quelles sont alors les spécificités des 90% restant ? La majorité des lombalgies que nous traitons au cabinet sont donc décrites comme des lombalgies non-spécifiques… Mais comment s’assurer un traitement efficace s'il n’existe pas de classification plus spécifique ? O’Sullivan (2005) a défini deux grandes sous-classifications : La lombalgie non mécanique : on retrouve une sensibilisation centrale marquée, une sphère biopsychosociale fragile, du catastrophisme, etc… La lombalgie mécanique : celle qui nous intéressera aujourd’hui. Existe-t-il un déficit de mobilité ou une instabilité ? A travers leurs travaux, le professeur Luomajoki et ses collaborateurs se sont intéressés à la définition d’un sous-groupe de lombalgiques présentant un déficit de contrôle moteur cliniquement significatif. • Comment définir la présence ou non d’un tel déficit ? • Peut-on faire un lien avec la présence d’une distorsion de l’image corporelle au niveau du cerveau ? • Pouvons-nous traiter ce déficit efficacement ? Le Professeur Luomajoki nous donne quelques éléments de réponse. Nous n’aborderons pas ici les données concernant le fonctionnement des muscles multifide et transverse de l’abdomen car cela ne constituait pas le sujet de son intervention, mais ils sont bien évidemment les muscles principaux concernés dans le travail de contrôle moteur lombaire. Il existe une multitude de termes dans la littérature pour désigner ce déficit : Flexibilité relative (Sahrmann, 2002), stabilité fonctionnelle (Comerford et Motram, 2000), mouvement maladaptif et détérioration du contrôle moteur (0’Sullivan 2000 et 2005), instabilité clinique (Panjabi, 1992)… Selon lui il serait plus approprié de parler de déficit de contrôle moteur plutôt que d’instabilité.

EVALUATION

Quels tests utiliser pour mettre en évidence un déficit de contrôle moteur ? La palpation : La palpation du multifide ne suffit pas à elle seule. Elle se fait facilement en lombaire, au-dessus il est recouvert par des muscles plus superficiels et on ne peut plus le différencier. Tests de contrôle moteur : Pour déterminer la capacité du patient à contrôler la position de son rachis, une multitude de tests a été décrite. Le professeur Luomajoki et Al. ont retenu 6 tests pour leur fiabilité. Il n’existe pas de gold standard pour définir une instabilité clinique, c’est l’ensemble des résultats du bilan et le raisonnement clinique qui la détermineront. Il faut bien expliquer au patient le mouvement demandé et ne pas hésiter à faire plusieurs essais en cas de doute. Il est important de faire attention à ne pas sur-estimer la présence d’un mauvais contrôle moteur lombaire ! 1 ) Le pelvic tilt : patient en position debout, demander un mouvement d’anté-rétroversion du bassin. 2) Le « walter’s bow » : le patient doit se pencher en avant tout en gardant le dos en position neutre (avec genoux légèrement fléchis). 3) le sitting knee extension : le patient est assis sur la table d’examen, pieds dans le vide, le creux poplité touchant le bord de la table. On lui demande de tendre le genou tout en maintenant le rachis en position neutre. 4) One leg standing test : Le patient est debout et doit se mettre en appui unipodal. On observe si il y a déviation du bassin lorsque le poids se porte uniquement sur une jambe et de combien est le décalage. On considère le test positif avec un décalage du bassin dans le plan frontal de plus de 10 cm. 5) « Rocking all foors » : Ce test demande au patient de passer de la position quadrupédie à assis sur ses talons. Tout le long du mouvement, on observe si il parvient à maintenir son rachis en position neutre. 6) « pro knee bend » : le patient est en decubitus ventral. Il doit fléchir son genou à 90°, on observe si le dos reste neutre ou si il est entraîné en hyperlordose. Les chercheurs ont établi que si le patient échoue à plus de deux tests (=tests positifs) cela serait anormal en comparaison de sujets sains qui échouent en moyenne à moins d’un test sur 6. Il y a donc une différence significative, mais quel est le lien de causalité ? D’autres recherches sont en cours, mais il semblerait que le risque d’être lombalgique chez une personne asymptomatique avec plus de deux tests positifs soit augmenté.

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Ces photos sont la propriété du Professeur Luomajoki.

Le Two Point Discrimination test (TPD) : Ce test a pour but d’évaluer la capacité du cerveau à se représenter virtuellement une partie du corps (" mesure brain’s ability to map a body part"). Moseley (2011) emploie le terme de « smudging » de l’homonculus pour désigner l’altération de cette fonction du cortex somato-sensoriel en présence de douleurs. Le but du test est de déterminer à partir de quelle distance le patient perçoit deux points de contact distincts au niveau de sa région lombaire. Les sujets sains ont obtenu en moyenne 4,4 cm et les sujets lombalgiques chroniques 6,1 cm. Malheureusement il n’y a pas encore d’application clinique réelle à ce test. Travailler la sensibilité discriminative serait très chronophage et demanderait au patient un travail quotidien qu’il ne peut faire seul. Pour le test toutefois, pas besoin d'investir des sommes astronomiques, un petit pied à coulisse de magasin de bricolage fera parfaitement l'affaire pour quelques euros !

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Moins de 2 euros dans un magasin de bricolage !

TRAITEMENT

Vous avez déterminé que votre patient présentait un déficit de contrôle moteur lombaire, quelles sont les options de traitement ? Les exercices spécifiques : Avec ces tests et en regard de votre examen clinique, si vous supposez que votre patient souffre d’un déficit de contrôle moteur lombaire en lien avec son problème, il sera donc intéressant d’intégrer des exercices de contrôle lombaire lors de la flexion ou de l’extension, selon la direction dans laquelle le patient présente un problème.

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Ces photos sont la propriété du Profess.eur Luomajoki

Les exercices devront suivre une progression douce. Tant que le patient ne maîtrise pas une étape, il n’est pas utile d’y intégrer d’autres composantes. Le travail avec le stabilisateur ne se fait pas au début car cela requière déjà de bonnes capacités de contrôle moteur. La finalité sera bien entendue de le travailler lors des mouvements fonctionnels (travail, sport, etc…) qui provoquaient en premier lieu les symptômes du patient. Il semblerait intéressant de déterminer deux sous-groupes d’instabilité clinique : l’un en flexion (ex : pas de mouvements de hanche lors de la flexion du tronc) l’un en « active extension » (ex : rester en extension lors du mouvement de flexion du tronc) qui permettraient de cibler encore plus efficacement le type d’exercice dont le patient a besoin en fonction de son type d’instabilité clinique.

L’éducation : qu’est-ce que le patient peut faire ? Que doit-il éviter ? Quelle est la bonne façon de bouger ? …. Quand la douleur et l'incapacité deviennent chroniques, nous sommes confrontés à beaucoup de problèmes secondaires tels que la kinésiophobie, le déconditionnement moteur global, la sensibilisation centrale. C'est notre rôle légitime d'apprendre au patient quelle est sa bonne façon de bouger, et surtout que cela ne constitue aucun danger pour lui, que malgré la nature douloureuse du geste cela n'occasionne aucun dommage tissulaire, articulaire, osseux... La douleur ressentie par ces patients lors des mouvements physiologiques n'étant pas reliée à un risque réel, elle doit être gérée aussi bien à travers l'éducation thérapeutique que par la progression intelligente de la difficultés des tâches demandées.

Le travail en lien avec le cortex somato-sensoriel : Two point discrimination test : Envisager un entraînement sensoriel à partir de la sensibilité discriminative ? (TPD) Cela reste encore à développer. « Recognise » : Outils développé par le NoiGroup (groupe de recherche australien sur la douleur) afin de permettre aux patients de travailler leur capacité à reconnaître la position du dos dans divers contextes. Ils utilisent pour cela des photos représentant des situations simples à des situations ou mouvements plus complexes. Imagerie motrice cérébrale, ideomotor training : Bien que cela semble fréquemment être utilisé par les sportifs en vue d’améliorer leurs performances, en rééducation peu de physiothérapeutes/kinésithérapeutes pratiquent ce genre de thérapie cognitive car il n’existe pas vraiment de protocole validé actuellement. L’un des buts de ces exercices est de demander au patient de visualiser une tâche à accomplir. Au départ cela devra être une tâche simple qui lui demande peu ou pas d’effort et/ou peu ou pas de douleur. Il devra répéter plusieurs fois cette tâche virtuelle, et progressivement de nouvelles tâches à exécuter lui seront données en progression, pour aller vers les plus difficiles à accomplir. Cela reste à développer, mais énormément d’études sont en cours !

CONCLUSION

Il y a encore trop peu d’essais cliniques randomisés validant l’intérêt de classifier les patients lombalgiques en sous-groupes pour les traiter plus efficacement, et les traitements potentiels qui en découlent ne sont pas encore tous bien définis. Néanmoins, les résultats des études actuelles semblent déjà montrer un réel intérêt clinique à classer les patients selon leurs déficits afin de leurs fournir le meilleur traitement possible, c’est à dire des exercices spécifiques correspondant à leur problème, notamment en cas de déficit de contrôle moteur cliniquement significatif : ➢ Un sous-groupe de lombalgiques présentant un déficit de contrôle moteur peut être clairement identifié. ➢ Les tests sélectionnés présentent une fiabilité inter et intra-examinateur significative. ➢ Les personnes ayant un test discriminatoire augmenté ont souvent également une atteinte de leur capacité à contrôler leur motricité lombaire. L’altération de leur image corporelle pourrait expliquer pourquoi ils éprouvent des difficultés à contrôler les mouvements de leur dos. ➢ L’amélioration du contrôle lombaire à travers des exercices adaptés et spécifiques à chaque patient semblerait conduire à une diminution des symptômes et une amélioration de la fonction. Mais des études plus approfondies doivent être conduites avant de pouvoir attester pleinement de l’efficacité de ces thérapies. Il semble donc déjà intéressant d’utiliser ces tests pour évaluer la présence d’un déficit de contrôle moteur et de s’assurer que cela est significatif comme facteur contribuant au problème du patient. Encore une fois, il faut faire attention à ne pas sur-estimer la présence d’un mauvais contrôle moteur, et toujours se questionner sur le lien de causalité entre lombalgie et déficit de contrôle moteur. Merci au Professeur Luomajoki de nous avoir permis de résumer son intervention lors des Journées Francophones de la Kinésithérapie qui se sont tenues à Lille en février 2015.

RÉFÉRENCES

• LUOMAJOKI, H. 2010. Movement control impairment as a subgroup of non-specific Low Back Pain, University of eastern Finlnad. • LUOMAJOKI H. Improvement of movement control, disability and function through specific exercises. Scientific congress of IAMMM, 2010 Amsterdam. • LUOMAJOKI, H., KOOL, J., DE BRUIN, E. D. & AIRAKSINEN, O. 2007. Reliability of movement control tests in the lumbar spine. BMC Musculoskelet Disord, 8, 90. • LUOMAJOKI, H., KOOL, J., DE BRUIN, E. D. & AIRAKSINEN, O. 2008. Movement control tests of the low back; evaluation of the difference between patients with low back pain and healthy controls. BMC Musculoskelet Disord, 9, 170. • LUOMAJOKI, H. & MOSELEY, G. L. 2011. Tactile acuity and lumbopelvic motor control in patients with back pain and healthy controls. Br J Sports Med, 45, 437-40. • O'SULLIVAN, P. 2005. Diagnosis and classification of chronic low back pain disorders: Maladaptive movement and motor control impairments as underlying mechanism. Manual Therapy, 10, 242-255.. • PULKOVSKI, N., MANNION, A. F., CAPORASO, F., TOMA, V., GUBLER, D., HELBLING, D. & SPROTT, H. 2011. Ultrasound assessment of transversus abdominis muscle contraction ratio during abdominal hollowing: a useful tool to distinguish between patients with chronic low back pain and healthy controls? Eur Spine J. • RACKWITZ, B., DE BIE, R., LIMM, H., VON GARNIER, K., EWERT, T. & STUCKI, G. 2006. Segmental stabilizing exercises and low back pain. What is the evidence? A systematic review of randomized controlled trials. Clin Rehabil, 20, 553-67. • STEIGER, F., WIRTH, B., DE BRUIN, E. D. & MANNION, A. F. 2011. Is a positive clinical outcome after exercise therapy for chronic non-specific low back pain contingent upon a corresponding improvement in the targeted aspect(s) of performance? A systematic review. Eur Spine J. • WAND, B. M., PARKITNY, L., O'CONNELL, N. E., LUOMAJOKI, H., MCAULEY, J. H., THACKER, M. & MOSELEY, G. L. 2011. Cortical changes in chronic low back pain: current state of the art and implications for clinical practice. Man Ther, 16, 15-20.


 
 
 

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